, Olivier Brégard, L'Alsace 5/8/2021/ hn

Martin Graff hat uns verlassen

Der Elsässer Schriftsteller, Filmemacher und Kaberettist Martin Graff ist im Alter von 77 Jahren nach kurzer schwerer Krankheit gestorben. Sie finden hier einen Videofilm. Darin stellt sich Martin Graff selber vor. Dazu noch einen Text aus L' Alsace. Beides französisch

Die “Elsass-Gazette” hat im Laufe der Jahre mehrere seiner rund 30 Bücher besprochen, als letztes  “Zungenknoten” durch Edgar Zeidler in der Juli-Ausgabe. Viele von Euch erinnern sich auch noch an Martin Graffs Auftritt am Literarischen Abend 2017.(Siehe: Elsass_Gazette_153.pdf)

Einen guten Eindruck von Martin Graff findest du hier:  https://als.wikipedia.org/wiki/Martin_Graff

 

Hier nun einen Rückblick auf sein Leben aus L' Alsace (in franz. Sprache).

Disparition Martin Graff, poil à gratter saute-frontière 

Ancien pasteur devenu journaliste et essayiste, ce natif de Munster était l’auteur d’une trentaine d’ouvrages évoquant avec ironie l’Alsace, la France, l’Allemagne et leurs relations mutuelles. Il est décédé mercredi à son domicile de Soultzeren, à l’âge de 77 ans.

Par Olivier BRÉGEARD

 

L'Alsace, 5/8/2021

 Martin Graff aimait « poser des questions » et « se moquer de ces clichés qui pourrissent la vie de nos peuples », avant tout alsacien, français, allemand. « Ça m’amuse de titiller tout le monde », nous confiait-il en 2015, à l’occasion de la publication de Comme l‘Allemagne ? Le big bang luthérien , dans lequel il souhaitait « expliquer la France aux Allemands et l’Allemagne aux Français », comme il le faisait depuis quarante ans dans des articles, des documentaires, des livres, des pièces radiophoniques, du cabaret…

Né à Munster le 22 juin 1944, Martin Graff avait fait des études de théologie protestante et de philosophie. Il fut pasteur pendant trois ans, prof de philo « brièvement », puis journaliste. « J’avais écrit une thèse sur “La radio et la télévision et la théologie dans le monde moderne”. Il y avait des ministères spécialisés à l’époque, on m’avait mis à Sarreguemines, stagiaire à la radio allemande. Je ne pensais pas que ma vie allait changer si vite ! On était dans les années 1970, l’Allemagne avait besoin d’expliquer qu’elle était démocrate… Je suis ensuite passé sur la deuxième chaîne allemande, la ZDF. »

Mener les gens « là où ils ne le veulent pas »

 Dialectophone de naissance, ayant lu « Luther dans le texte », il avait aussi pris soin de suivre des cours de diction, afin de ne pas « parler allemand comme un Alsacien, en faisant trois fautes par phrase ». Martin Graff a poursuivi sa carrière de journaliste outre-Rhin, « parce qu’il y avait beaucoup plus de liberté que sur les chaînes publiques françaises ». « Jusqu’à la chute du Mur de Berlin, je pouvais filmer tout ce que je voulais en France, les médias allemands étaient preneurs. Ensuite, le pays a mis le cap à l’Est, je me suis tourné vers les Balkans, le Conseil de l’Europe… »

 Il rappelait avec fierté être le coauteur, avec Michel Meyer, alors correspondant d’Antenne 2 à Bonn, de Printemps sur le Rhin , un film commandé par Marcel Jullian pour les célébrations du 8 Mai, film diffusé en 1975, « le même jour en France et en Allemagne, longtemps avant la création d’Arte ».

Depuis Vertiges , en 1984, Martin Graff était également l’auteur d’une trentaine de livres, plusieurs publiés en français et en allemand, de chaque côté de la frontière, certains écrits directement dans les deux langues, « dans une sorte de ping-pong intellectuellement pas évident ». Il a longtemps tenu des chroniques dans le quotidien Die Rheinpfalz pendant plus de vingt ans, dans les Dreiland Basler Zeitung et Badische Zeitung pendant dix ans, dans lesquelles il changeait de langue dans une même phrase.

Des frontières dans les têtes

« En Allemagne, je suis considéré comme un passeur. En France, je suis beaucoup moins connu », observait-il, en soulignant tout de même qu’un de ses textes avait été au programme du bac, option allemand, et de l’agrégation.

Martin Graff aimait les Alsaciens d’un amour vache, cherchant toujours à les mener « là où ils ne le veulent pas », dans des pamphlets comme Mange ta choucroute et tais-toi (1984), Nous sommes tous des Alsakons (1995), Utopies alsakonnes (2019)… « L’Alsace n’est pas un pont entre la France et l’Allemagne. Les frontières géographiques ont été abolies, mais dans les têtes, elles existent plus que jamais », estimait-il, en revenant à la question de la langue perdue et de la germanité « vécue comme un reproche permanent ». « Mais je préfère vivre dans une démocratie unilingue que dans une région bilingue en guerre », ajoutait-il.

De même, tout en critiquant la création du Grand Est, il jugeait « encore plus ridicule » de prétendre que cette grande région signifiait la mort de l’Alsace. « On ne va pas raser les maisons à colombage et supprimer la choucroute », relativisait-il.

Constatant « des coups de gueule sur l’Alsace devenus inégaux avec le temps », l’ancien rédacteur en chef des DNA Dominique Jung préfère citer Le Réveil du Danube (1998) comme « l’un de ses livres les plus aboutis » : « Il y racontait finement, à partir de ses voyages des années 1980-90, la diversité des cultures de la Mitteleuropa, entre l’Allemagne et la mer Noire… »

Moins lu, mais toujours prolifique

 À la faveur des confinements, Martin Graff avait publié coup sur coup l’an dernier Zungenknoten. Vertiges franco-allemands , ouvrage bilingue mais édité uniquement chez l’allemand Wellhöfer Verlag, et Cabaret frontières, je t‘aime, ich liebe dich , chez Morstadt Verlag. La version française et actualisée de ce dernier devait sortir après les élections allemandes de septembre prochain chez l’éditeur breton Yoran Embanner, qui a récemment publié Utopies alsakonnes et Un pays qui s’appelle Noël.

« Ces deux livres avaient été imprimés à 1 000 exemplaires. Nous n’en avions vendu que la moitié alors que nous espérions un second tirage », regrette Yoran Delacour, le patron de la maison d’édition. « Martin n’avait plus l’aura d’autrefois dans la région… Il avait prévu de venir en Bretagne cet été, on se marrait bien tous les deux. Je l‘appelais “camarade parpaillot” et lui m’appelait “camarade papiste” ! »

 Un cancer du pancréas lui avait été diagnostiqué au printemps. Après une hospitalisation et un séjour au centre médical des Trois-Epis, il était revenu, il y a quinze jours, dans la maison familiale de Soultzeren, où il est décédé mercredi après-midi.

Olivier BRÉGEARD